Le 8 mai, la commune de Saint-Jean-de-Boiseau a célébré la fin de la Seconde Guerre mondiale en réunissant les habitants, les anciens combattants et les élus pour une cérémonie de mémoire poignante. Cet acte symbolique, qui marque la capitulation de l’Allemagne nazie en 1945, a été l’occasion de rappeler les horreurs de la guerre, qui ont fait plus de 60 millions de morts à travers le monde, dont des dizaines de milliers de combattants issus des anciennes colonies françaises, dont la mémoire a longtemps été ignorée.
Discours de Mohamed Ali, adjoint au sport et à la jeunesse :
« Nous célébrons aujourd’hui la commémoration de la capitulation de l’Allemagne nazie du 8 mai 1945. Cet armistice a mis fin à une guerre insensée ayant causé la mort de plus de 60 millions de personnes, soit l’équivalent actuel de la population italienne, et à peine moins que celle de notre pays.
Cette horreur innommable, voulue par la volonté destructrice d’un tyran, a vu mourir des habitants de tous pays, sans distinction de couleur, d’origine, de religion, de sexe, et a atteint son paroxysme avec la mise en place de la solution finale pour exterminer les Juifs d’Europe.
À l’heure actuelle, la guerre est de retour sur notre continent, au Proche-Orient, en Afrique, en Asie, comme si les hommes n’étaient pas en capacité de tirer les leçons de l’histoire. Après cette grande tragédie mondiale, nous pensions être à l’abri, or, en ce moment, une rhétorique guerrière s’installe. Un climat anxiogène s’établit, on nous évoque, suggère, une guerre nucléaire, on nous parle d’effort de guerre, de réindustrialisation militaire, oui, le passé semble être le présent.
La première puissance mondiale, notre grand allié, que nous ne pouvons que remercier pour nous avoir aidés à libérer notre pays et à débarrasser notre continent des nazis, joue à un jeu trouble plus que dangereux dont on ne sait où cela va nous conduire. Nous devons plus que jamais être unis, travailler à une cohésion européenne, mondiale contre l’obscurantisme et les va-en-guerre. La guerre n’est pas la solution, c’est la destruction, le chaos et la division. C’est de paix dont nous avons besoin. En cela, je citerai le Mahatma Gandhi : « Il n’y a pas de chemin vers la paix, la paix est le chemin. »
En tant que Français, élu, originaire d’une ancienne colonie, je profite de l’occasion qui m’est donnée pour rendre hommage aux combattants issus des colonies, dont la mémoire, le sacrifice furent trop souvent oubliés car considérés comme des combattants de seconde zone. Des dizaines de milliers sont morts au service de la France, cela ne les a pas empêchés de subir des humiliations, comme lorsqu’on leur a refusé de défiler sur les Champs-Élysées pour célébrer la victoire qui était aussi la leur. Je peux également vous évoquer le phénomène, vérifié historiquement, de blanchiment des troupes coloniales, dont notre pays a eu recours pour invisibiliser l’apport des soldats africains. Cela consistait en le retrait des tirailleurs des premières lignes et leur rapatriement dans leur pays d’origine après avoir participé aux différentes batailles en Afrique, en Europe, en France, lors de la libération de notre pays. En somme, ils étaient remplacés par des soldats blancs nouvellement recrutés ou incorporés pour faire en sorte de nier leur existence. Comme si cela ne suffisait pas, les tirailleurs survivants rapatriés dans leur Afrique natale ont été mis au ban de l’histoire par l’octroi de soldes minables, indignes de notre grand pays. Il a fallu la sortie d’un film, « Indigènes » de Rachid Bouchareb en 2006, pour qu’enfin le président de l’époque, Jacques Chirac, prenne la mesure de l’injustice qui durait depuis plus de 60 ans, en alignant les soldes des tirailleurs sur celles des soldats français. Quelle tristesse qu’il ait fallu la sortie d’un film pour prendre la mesure de cette injustice, pour enfin légaliser une situation ubuesque et dramatique dont, finalement, seulement une poignée de tirailleurs ont pu en bénéficier, car la grande majorité sont morts avec le temps.
Pour terminer, je voudrais avoir une pensée pour tous les tirailleurs tués par leurs frères d’arme au camp de Thiaroye, au Sénégal, le 1er décembre 1944. Une centaine de tirailleurs sont morts pour le simple fait d’avoir réclamé leurs soldes et d’avoir revendiqué leurs droits de soldats démobilisés.
Lorsque j’entends les vociférations actuelles de certaines élites, je me dis qu’ils ont la mémoire courte et que, ça leur plaise ou non, l’histoire ne peut pas se travestir.
Comme je l’ai indiqué plus haut, la mort n’a pas de couleur ni de hiérarchisation, tous nos morts ont droit au même respect. Notre pays s’est construit sur la multiculturalité, c’est une richesse inestimable que nous devons fructifier, entretenir et en faire un socle pour nous rendre meilleurs, résilients, en parfaite symbiose avec notre devise : « Liberté, Égalité, Fraternité. »
Vive la République, Vive la France.«